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8 novembre 2006

Qu'elle serait verte ma cité !Par Alain LIPIETZ, Noël MAMÈRE, Djamila SONZOGNI

Paru dans Libération, le mercredi 8 novembre 2006

Police de proximité, économie solidaire, régies de quartier et laïcité...

Fin du ramadan, début des vacances. La France s'installe devant sa télévision, qui nous promet, comme le frisson d'un film d'épouvante, le retour des émeutes de novembre. On comptabilise les bus brûlés. Ah ! ça y est, voilà la première victime de la racaille, la pauvre Mama Galledou... Cette délectation macabre a quelque chose d'obscène. On aurait plutôt attendu une célébration des progrès réalisés depuis un an. Mais quels progrès ? L'application à nos banlieues des lois coloniales de «l'état d'urgence», les rafles médiatisées comme un débarquement US en Somalie, n'ont strictement rien changé au quotidien de nos concitoyens vivant dans les cités à problèmes. A droite, le tout-répressif, à gauche, l'enlisement de la politique de la ville, semblent avoir épuisé l'imaginaire social. L'heure a sonné de la relève : une politique d'écologie urbaine et populaire.

En Europe, les exemples sont nombreux et pas réservés aux bobos. A Malmö, grand port de la Suède (30 % d'immigrés, 110 nationalités), des quartiers populaires ont été rénovés en haute qualité environnementale, sous le contrôle de leurs habitants. Ça veut dire des espaces verts collectifs qu'on aime et qu'on fait respecter. Des murs, des toits végétaux, qui protègent autant du bruit que du froid et de la canicule (n'oublions pas qu'il y a aussi des personnes âgées dans les cités, premières victimes du changement climatique), avec de massives économies d'énergie, et donc d'effet de serre, comme de charges locatives. Ça veut dire des transports publics fréquents, efficaces, desservant les cités de relégation.

Immense chantier créateur d'emploi, la rénovation des cités de France (car il ne s'agit pas tant de raser pour faire du neuf que d'améliorer, avec les habitants) implique une nouvelle manière de financer, produire, et surtout maintenir propre et agréable le logement social. Car, si un espace pourri pourrit la vie de ses habitants, il est aussi le produit de rapports sociaux pourris.

Reverdir, dans les quartiers, les rapports entre les gens, ça veut dire quoi ? D'abord les associer à la décision sur la rénovation. Ce qui implique déjà le droit de vote, au moins local, pour tout citoyen par la résidence. Ce n'est pas ce que les jeunes demandent ? Parce qu'on ne leur en a pas montré jusqu'ici l'intérêt !

La démocratie urbaine n'est pas seulement voter, mais participer. La maintenance des quartiers populaires doit être l'oeuvre, la responsabilité, le souci et le plaisir de leurs habitants eux-mêmes. Pour cela, l'outil existe, quoique financièrement exsangue : la «régie de quartier». Association embauchant les chômeurs de la cité pour veiller au bien-être de la communauté : travaux d'entretien des espaces collectifs, aide aux familles et en particulier aux personnes âgées, médiation de nuit...C'est le regard sur eux-mêmes des désoeuvrés des cités qu'il s'agit du même coup de changer, comme le regard des autres sur les désoeuvrés et le regard de la communauté sur son propre territoire. A chaque cité, sa régie.

Comment financer ? Par un subventionnement massif qui, en fait, ne coûtera pas grand-chose : pas d'impôts ni de cotisations sociales à la charge de ces régies (elles paient déjà en aura de mieux-être leur écot à la communauté locale, et de toute façon les chômeurs qu'elles emploient n'auraient rien payé du tout), et même attribution aux régies, à titre de subvention, du RMI qu'auraient touché ces chômeurs. Car il faudra bien en finir avec la «faille du RMI»entre 18 et 25 ans... si on ne veut plus acculer les jeunes sans emploi aux pires expédients.

Pas d'angélisme. Les emplois dans les cités ont un rude concurrent : le trafic, où l'on gagne son Smic en trois jours... On ne relancera pas l'économie interne des cités sans casser les mafias de la drogue. Et, comme pour la prohibition de l'alcool, il n'y a qu'une solution : la dépénalisation (doublée d'une prophylaxie) des drogues douces, la distribution aux «accros», sous contrôle médical et social, des drogues dures ou de leur substitut.

Les petits et les vrais gangsters ne disparaîtront pas pour autant. Oui, la sécurité et la police sont aussi des exigences de l'écologie urbaine. Mais pas la police qui frappe, humilie, et s'enfuit. Une police de proximité, liée aux habitants, perçue, comme tous les services publics (transports en commun, agents de l'EDF, pompiers, médecins), comme au service de la communauté et protégée par elle tout autant qu'elle la protège.

Cela passe par une révolution culturelle dans la formation de tous les agents de service au public, service nationalisé, municipal ou associatif. Et sans doute par la fertilisation réciproque de ces trois formes de service au public. Encore faut-il faire reconnaître à l'Europe cette spécificité. Autre vaste programme...

Car, si pour s'en sortir la cité doit compter sur ses propres forces, elle doit pouvoir aussi compter sur la solidarité. L'éclosion, la pérennisation des régies de quartier exige une loi-cadre pour le tiers-secteur d'économie sociale et solidaire. L'argent, pour ces municipalités sans base fiscale, vient de plus haut : la région, la France, l'Europe. La «priorité» des zones d'éducation du même nom doit cesser d'être une amère plaisanterie. La révolution culturelle du service au public concerne toute la République.

Ce qui exige d'abord une lutte contre toutes les discriminations, facteur premier de la révolte urbaine, dont les acteurs sont pourtant pour plus de 95 % des jeunes Français, mais discriminés à travers leurs parents privés de droits, leur nom, leur peau, et même leur adresse. Les mécanismes systémiques de la discrimination, il faut les analyser, les rendre visibles, les combattre : demandes de logements anonymes, fin des emplois réservés et des discriminations légales, abolition de la double peine...

Ce qui pose aussi la question d'une «laïcité» ouverte et moderne. La laïcité (du mot grec qui veut dire «peuple») doit enfin cesser d'être un outil à concasser le peuple dans un moule unique (des chrétiens blancs déchristianisés), pour redevenir telle que la rêvait Jaurès : un engagement de la République au service de tout le peuple, indépendamment de ses religions (ou absence de...). La commission Stasi avait proposé d'ajouter quelques fêtes musulmanes et juives à nos fêtes catholiques nationales. Il n'en est resté que l'exclusion des filles portant le foulard de nos collèges, et même de leurs mères de la porte de nos écoles !

La laïcité, c'est d'abord la liberté religieuse. Cela passe aussi par la protection des individus, en particulier des jeunes filles, contre les pressions, les discriminations internes à chaque religion. Mais n'inversons pas l'ampleur des problèmes : musulmanes et musulmans souffrent d'abord du mépris et des discriminations de la part des «autres». Et la République n'a pas lieu de pavoiser : les femmes ont obtenu, contre l'Eglise catholique, le droit de vote en 1944, la contraception en 1967, l'avortement en 1975 ! L'émancipation des musulmanes, comme celle des catholiques, sera l'oeuvre des femmes elles-mêmes. Réconcilier notre société déchirée, c'est une question de moyens. Mais d'abord une question de respect.

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