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Audaces ! pour Les Verts
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18 novembre 2006

Cher Nicolas Hulot. Par N. MAMERE

Tribune de Noël Mamère parue dans Libération mardi 8 août 2006

Tu sais bien que le poison qui ronge nos sociétés n'est pas seulement dans les pots d'échappement de nos bagnoles et dans les fumées de nos usines. La réalité de ce monde ne peut se résumer à la seule menace climatique, comme tu voudrais nous le faire croire. Et c'est bien parce que ce lien entre injustices sociales et injustices environnementales n'est pas évident à faire comprendre que nous éprouvons tant de difficultés à exister de manière forte dans le paysage politique.
Non, Nicolas, le problème n'est pas celui d'un déficit d' «unité» des écologistes, c'est celui d'un décalage : fondée sur la transversalité, la pensée écologique éprouve d'autant plus de mal à se faire entendre que les citoyens sont habitués depuis longtemps aux cloisonnements politiques et à la distribution des rôles. C'est pourtant le grand chantier auquel les Verts doivent s'attaquer, même si, en ces temps de simplification politique et de démagogie, ils prennent le risque du malentendu.
Il faut le dire et te le répéter, cher Nicolas, les Verts ne doivent pas se laisser enfermer dans le seul rôle de vigie de l'environnement ou de Cassandre. Notre fonction est de «démonter», pièce par pièce, les raisons économiques, politiques, sociales, écologiques, qui ont conduit à la situation actuelle, et de formuler des propositions alternatives acceptables par nos sociétés.
Il n'est ainsi pas besoin d'être grand clerc pour constater que nous ne sommes pas égaux devant le bouleversement climatique. Les plus pauvres cumulent injustices sociales et injustices environnementales. Comment prétendre lutter contre les secondes si l'on ne s'attaque pas, d'abord, aux premières ? Aucune réponse écologique ne vaut si elle n'a pas pour objet principal de lutter contre les inégalités. L'heure n'est donc pas à se laisser entraîner dans ton piège, cher Nicolas. Au nom de «l'urgence écologique», tu voudrais que nous en revenions à nos «fondamentaux», notre ghetto vert. Tu nous reproches notre manque de visibilité, notre éparpillement politique et notre «absence» sur les «grands sujets» environnementaux, mais tu n'as pas mieux réussi que nous, malgré ta proximité avec le président de la République, tes émissions de télé, ta fondation, ton talent. A quoi ont servi tes coups de gueule? La majorité UMP (celle du Président) a voté une loi sur l'eau qui a transformé le pollueur payeur en pollueur payé, le gouvernement refuse toujours d'autoriser l'utilisation des huiles végétales pures pour mieux protéger les lobbies du maïs et du pétrole, autorise les cultures d'OGM en plein champ, poursuit le choix suicidaire du tout-nucléaire tandis que nos voisins allemands, qui ont décidé d'en sortir, en sont déjà aux maisons passives qui ne consomment pas d'énergie et qu'ils produisent 15 000 mégawatts d'énergie éolienne quand nous n'en sommes qu'à 800 !
J'entends les bonnes âmes nous dire, derrière toi, Nicolas : «Mais pourquoi les Verts s'occupent-ils des sans-papiers, des minorités, des discriminations, de la politique étrangère ? Qu'ils nous parlent d'environnement, qu'ils s'occupent de ce qui les regarde.» C'est ce que nous faisons quand nous marions des personnes de même sexe ou que nous arrachons des pieds de maïs OGM. L'écologie, telle que nous la défendons très majoritairement chez les Verts, n'est pas «détachable» des questions sociales et des droits de l'homme.
Oui, Nicolas, «le bouleversement climatique est l'une des plus grandes menaces qui aient jamais pesé sur l'humanité» : comme toi, nous n'arrêtons pas de le répéter (avec moins de talent, c'est vrai, et sans les moyens d'une grande chaîne) mais, pour nous, cette menace est inséparable d'un autre fléau, déjà à l'oeuvre, avec ses millions de victimes et dont tu nous parles si peu : le creusement des inégalités entre pays riches et pays pauvres ; l'anéantissement organisé par les nations les plus nanties de millions de paysans du tiers-monde. Faut-il répéter ici qu'une vache européenne, avec ses 2,5 euros de subventions par jour, vit mieux que 40 % des Africains ? Que 20 % des habitants de la planète consomment 80 % de ses ressources ? Que plus de 1 milliard d'êtres humains n'ont toujours pas accès à l'eau potable ?
Alors, comment fait-on, Nicolas ? On laisse Sarkozy bannir les damnés de la Terre, au motif que cette question n'a «rien à voir avec l'écologie» ? Ou alors on se bat à leurs côtés, parce que la solidarité est un des fondements de l'écologie ?
L'écologie ne peut être une sorte d'«entre-deux», comme le souhaitait Antoine Waechter en son temps et comme tu semblerais vouloir nous le dire aujourd'hui, Nicolas. La tolérance, le partage, la solidarité, la plus juste répartition des richesses, la lutte contre toutes les formes d'inégalités et de discriminations, moteurs de l'écologie politique, n'ont jamais été les valeurs premières de la droite. Ce sont des valeurs de gauche. Et c'est donc avec la gauche, toute la gauche, qu'il faut chercher à créer un rapport de force qui nous permette de peser sur les politiques publiques. Mais, si nos partenaires ne comprennent pas que nos réponses méritent mieux que le statut humiliant de force d'appoint, ils devront faire sans nous. Nous n'avons pas la vocation à servir de caution verte à une gauche qui n'aurait rien compris aux vrais enjeux de ce siècle.
Es-tu le mieux placé d'entre nous, Nicolas, pour relever ce défi ? Tu dois savoir que la notoriété et la sympathie sont un capital fragile dès qu'on se jette dans l'arène politique... Aller à une présidentielle, c'est s'adresser à l'ensemble de la société, sur l'ensemble des sujets, c'est défendre une conception du monde et de l'action politique. Se contenter d'une campagne monothématique est l'assurance d'un échec. Sauf à vouloir se cantonner au statut de candidat de «témoignage». Mais, franchement, l'écologie et les idées que nous portons valent mieux que cela.
Pour nous tous, Nicolas, tu es une voix qui compte. Nous devons l'entendre. C'est dans cet esprit que nous t'avons invité à nos journées d'été, au même titre que Corinne Lepage ou José Bové... eux aussi candidats ! Et si ta meilleure place, Nicolas, n'était pas celle que tu occupes aujourd'hui ? Tu es un des rares parmi nous à bénéficier de tribunes aussi importantes, tu es écouté parce que, justement, tu n'es pas «marqué» politiquement. De toute façon, Nicolas, tu sais bien qu'en France, comme ailleurs en Europe, il n'existe qu'un seul parti de l'écologie, le parti Verts. Tout le reste n'est que groupuscule. Si tu veux vraiment l'unité, il ne te reste qu'un seul choix : les Verts... qui ont déjà leur candidate, Dominique Voynet. Je te fais donc une suggestion, si tu es d'accord avec les positions que je viens d'exprimer : accepterais-tu de devenir le porte-parole de Dominique Voynet ? Ce serait une belle preuve de l'unité que tu réclames avec tant de force et raison

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