Libération : la forêt verte se range derrière l'arbre Voynet
Lundi 4 décembre 2006
Tout arrive, les Verts soutiennent leur candidate
à l'élection présidentielle. Dominique Voynet n'y croyait guère en arrivant,
samedi, au congrès du parti écologiste à Bordeaux. «Un moteur ? Si déjà, ils pouvaient ne pas être un boulet», confiait-elle.
Hier, à l'issue de deux jours et de deux nuits de tractations boutiquières
entre les cinq principaux courants, Voynet est repartie avec une majorité à peu
près stable. «Personne ne boude, même
Francine Bavay [de la minorité pro-Bové, ndlr] est derrière sa candidate
!» savourait Voynet hier. Une poussée de maturité verte
inattendue : «Il y a vingt ans, on disait
que les Verts étaient des charlots. Aujourd'hui, on nous dit : "Vous avez
raison, mais vous êtes brouillons, vous vous disputez tout le temps !" Au
moment où nos idées peuvent faire gagner des majorités, on aurait du vague à
l'âme ? Mais non je ne vous engueule pas !» hurlait Voynet aux
délégués samedi à la tribune : «Vous avez
un pouvoir incroyable entre les mains. Soit vous écoutez ceux qui vous disent :
"C'est pas possible avec Yves Cochet, il est de droite. Pas possible avec
Mamère, le cumulard. Ou Duflot qui a voté non à la Constitution
européenne." Ce sera avec tous ces gens-là, ou sinon l'écologie politique
peut se faire ailleurs et contre nous ! Il y a trop de grenouilles vertes qui
veulent se faire aussi grosses que le boeuf pour obtenir un poste ou une
circonscription.» Résultat, selon un proche d'Yves Cochet,
pourtant mis en minorité : «Il y a eu des
psychodrames mais pas de drame.» «Hulot nous a forcés à rebattre les cartes», explique
Aliocha, jeune militant.
«Ni, ni», «et,
et». La motion de synthèse a recueilli 56 % des votes. «Quand Ségolène Royal a 60 % des militants, c'est un
raz de marée et nous, ce serait insuffisant ?» commente Cécile
Duflot dont la motion, «Espoir en acte», a joué un rôle pivot. En prônant une «majorité à trois» avec les
voynétistes et les partisans de Noël Mamère. Et en refusant d'inclure dans une
majorité à quatre «Urgence écolo», les amis d'Yves Cochet, suspectés d'être «hyperenvironnementalistes» et trop
ouverts à des écolos «apolitiques» .
«On a rompu il y a dix ans avec le
"ni, ni", c'est pas pour être dans le "et, et" : et de
droite et de gauche », ironise Martine Billard. «J'ai entendu un "cochetiste" dire qu'il se
sentait plus proche de Lepage que du Parti socialiste !» s'insurge
Duflot. Pour cette urbaniste de 31 ans, ayant adhéré aux Verts en 2002, cette «synthèse générationelle» entre
anciens et nouveaux Verts «n'est pas un
compromis fade. Nous avons fait un pas vers les amis de Voynet. Et eux vers
nous. C'est un texte politiquement clair sur la nécessité d'autonomie et de
radicalité, la mobilisation de tous pour la candidature de Voynet et la volonté
de négocier avec le PS une véritable alternative écologisée en 2007», explique
Duflot. Lequel devrait rafler le poste de secrétaire national au prochain
conseil national des Verts mi-décembre.
A la gauche des Verts, les antilibéraux,
laissés en plan par le retrait de Bové, ont recueilli environ 20 % des voix.
Résultat, avec Cochet sur sa droite, Voynet se retrouve avec une majorité au
centre du parti. Position inédite et confortable : «On est dans une situation où le centre a gagné, contrairement aux
autres congrès où c'était l'alliance de la carpe et du lapin», se
félicitait hier une proche de la candidate. Une majorité durable sans Yves
Cochet, cofondateur historique des Verts ? «On
l'avait supplié de ne pas présenter sa propre motion. Il s'est lui même
isolé», regrette cette voynétiste. «On a été trop arrogants», reconnaît Jean-Marc Brulé
signataire de la motion Cochet : «On est là
pour dire qu'il faut travailler avec les autres écolos mais on sera hyperloyaux
avec Voynet.» Certains voient dans cette majorité une «bombe à retardement» : «Voynet se met dans les mains
de ceux qui veulent lui mettre la tête dans le sac», tacle le
pro-Bové Sergio Coronado. «Au moment où 200
000 personnes signent le pacte de Hulot, on donne les clés du parti à un
courant [celui de Cécile Duflot, ndlr] fermé sur la mouvance écologique, c'est un congrès
merdique» , se désespère Barbara Pompili, une proche de
Cochet.
«Ecologie
light». Mais cette synthèse a au moins assuré à Voynet une «trêve» pour mener sa campagne,
qu'elle a recentrée sur une ligne verte et de gauche : «On ne sauvera pas la planète en se contentant de
fermer le robinet après s'être brossé les dents», a-t-elle
déclaré, s'éloignant de l' «écologie
light» incarnée, selon elle «à
son corps défendant», par Nicolas Hulot.